Vous avez obtenu gain de cause (ou souhaitez obtenir une décision) mais vous ne connaissez pas l’adresse actuelle de votre adversaire. La loi a imaginé une solution qui respecte les droits de chacun, pour que cette situation ne bloque pas éternellement le créancier.

Vous savez maintenant comment présenter vous-même votre demande en justice (par exemple, pour une demande en expulsion, cliquer ici). Le greffier du tribunal va convoquer l’adversaire (qui porte le nom de “défendeur”) par lettre recommandée avec demande d’avis de réception adressée à sa dernière adresse connue, qui est celle que vous fournirez au greffier. Si vous n’êtes pas certains de l’adresse du défendeur, ou que vous avez la certitude qu’il est parti, ne restez pas bloqués et agissez ! Donnez quand-même cette adresse-là au tribunal. Pourquoi ? D’abord, parce que le défendeur a pu faire suivre son courrier et réceptionnera donc le courrier à sa nouvelle adresse, même s’il est adressé à son ancien domicile ! Il est donc valablement convoqué s’il cherche le recommandé. Ensuite, même si la lettre recommandée est retournée par la Poste au greffier, la démarche n’est pas perdue d’avance. Le greffier vous demandera de vous adresser à votre huissier préféré qui, une fois encore, incarne un rôle d’atout dans la procédure (rien que ça ! ) : il convoquera valablement le défendeur. Comment est-ce possible ?

Article 659 CPC

Photo marthe lellevre

Attention : si la lettre recommandée revient au tribunal avec la mention “Pli avisé non réclamé”, cela ne vaut pas convocation…

Lorsque l’huissier doit assigner ou convoquer en justice une personne, il a une obligation de moyen : lui remettre l’acte (ce qui s’appelle “signifier”) à sa personne. Comment faire lorsque la personne n’habite plus à cette adresse ? Vous trouverez la réponse dans l’article 659 du Code de procédure civile. L’huissier va se rendre à sa dernière adresse connue (celle que vous avez fournie), interroger les voisins pour connaître l’adresse actuelle du destinataire ou un moyen de le joindre par téléphone par exemple, se rapprocher de la mairie et interroger la personne chargée du fichier domiciliaire ou de la liste électorale, vérifier l’annuaire téléphonique local… Il doit également se renseigner sur le lieu de travail du défendeur, où ce dernier pourrait éventuellement être rencontré. Si votre défendeur est une société, l’huissier de justice sollicitera un extrait Kbis auprès du Tribunal de Commerce, car ce document contient l’adresse du domicile du représentant légal. Une fois toutes les vérifications effectuées, l’huissier établit un rapport (savamment nommé “procès-verbal de recherches infructueuses”) de toutes ces démarches pour retrouver le défendeur, sans succès, et envoie, à sa dernière adresse connue, une lettre recommandée avec demande d’avis de réception contenant la convocation ou la signification. Cet envoi vaut signification, c’est à dire que le défendeur est considéré aux yeux de la loi comme valablement averti de sa convocation en justice, ou qu’il a parfaitement connaissance de la décision de justice rendue. Et ce, même si la lettre recommandée revient non distribuée. Il est donc faux de penser qu’on ne peut rien contre une personne au motif qu’elle aurait disparu dans la nature…

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Comme vous le voyez, la loi protège à la fois les intérêts de celui qui demande justice, mais également les intérêts du défendeur “disparu”. Si vous devez confier une telle mission à un huissier, donnez-lui tous les éléments dont vous avez connaissance concernant le défendeur : un numéro de téléphone, le lieu de travail qu’il vous avait indiqué à l’époque, voire l’adresse des parents si vous la connaissez.

Sur ce blog, vous le savez, le but c’est d’aller au-delà de la théorie : vous vous demandez à quoi cela va-t-il bien pouvoir vous servir de poursuivre un fantôme ? Détrompez-vous : l’huissier qui détient une décision exécutoire peut diligenter des recherches auprès des administrations de l’Etat : CAF, Sécurité Sociale, CRAV (caisse de retraite), Pôle Emploi, mais également auprès des services de la Direction Générale des Finances Publiques et du Fichier des Comptes Bancaires (“Ficoba”). L’idéal est de connaître les date et lieu de naissance du défendeur qui s’est évaporé (notamment pour le Ficoba) mais ce n’est pas une obligation pour les recherches classiques. Un puissant moyen de ne pas renoncer à vos droits et d’agir ! J’ai souvent vu des dossiers soldés grâce à cette technique. Par exemple, un compte bancaire a été découvert par l’huissier, la saisie sur le compte a permis de rembourser la dette au créancier, fin de l’histoire.

Et vous, avez-vous déjà été bloqué dans une procédure ? Commentez sous cet article pour partager vos solutions !